Alors que la gestion du risque du péril animalier vient d’être pleinement intégrée à l’entreprise Genève Aéroport,  le point sur la nature du travail de ces spécialistes. Au menu, animaux et objets non identifiés.

Des pales en titane déformées. Pire, un réacteur étouffé. Des avions qui doivent être déroutés vers l’aéroport le plus proche pour être intégralement vérifiés, avec descente des passagers. Ce type d’incident survient lorsqu’un volatile se prend les pattes dans un avion qui décolle. Avec à la clé, des voyageurs paniqués et des millions de francs de dégâts à assumer pour les compagnies aériennes.

Pour éviter ces coûteuses déconvenues, l’unité Prévention du Péril Animalier (PPA) patrouille de l’ouverture à la fermeture de la piste. Techniciens, ingénieurs en gestion de la nature et biologistes scrutent, observent et effarouchent la centaine d’espèces d’oiseaux susceptibles de faire capoter l’organisation bien huilée des 163'000 vols annuels de Genève Aéroport. Car neuf collisions sur 10 interviennent aux abords directs des aéroports.

 

Une collaboratrice effarouche les animaux.

Deuxième cause d'incident mondial

L’enjeu est de taille : les collisions animalières représentent la deuxième cause d’incident mondial et la sixième cause d’accident mondial de l’aviation civile. Un choc avec le plus petit des leurs peut prendre des proportions incommensurables. Lors d’un choc en vol, un étourneau de 85 grammes se transforme en projectile de 450 kilos. Un héron cendré de 1 à 2 kilos ? Il équivaut à une pression de 50 à 60 tonnes exercée sur l’aile d’un avion. Les parties les plus exposées de l’avion sont les becs d’attaque ou encore la partie avant du fuselage (nommée radôme) tandis que les vitres frontales et latérales du cockpit sont prévues pour amortir le choc.

Zone inhospitalière

La prévention s’exerce de manière passive et active. Sur le plan passif, différents aménagements permettent d’éviter que les oiseaux se prélassent dans des endroits stratégiques. Par exemple, les toits sont hérissés de pics pour empêcher les volatiles de s’y poser. Ou encore des nichoirs ont été installés en retrait de la piste. Et ça marche : levez le nez au niveau du Grand hangar, sous les toits, de nombreux volatiles ont élu domicile dans ces nichoirs. C’est autant d’oiseaux que l’on ne retrouvera pas aux abords de la piste.

Sur le plan actif, les techniciens du PPA disposent de différents outils pour éloigner les animaux : d’une part, des générateurs de bruits ou EFBITECHS. D’autre part, des balles à blanc et des fusées. Les générateurs de bruits comptent une trentaine de sons : les imitations de cris animaliers mais aussi les sons humains.

Aboiements

Ainsi, pour éloigner un renard, on préférera déclencher un aboiement, soit sur une des boîtes implantées le long de la piste, soit depuis le haut-parleur dont le toit de la camionnette du service est équipé. D’autres types de sons seront choisis pour éloigner le grand cormoran, le faucon crécerelle ou encore les milans et les corbeaux.

Quand il faut agir vite, les spécialistes du péril animalier choisiront de tirer des balles à blanc ou des fusées à la gamme de sons riche: ce sont des fusées sifflantes, crépitantes ou détonantes (notre photo). Odeur de soufre garantie. Par temps brumeux, un gros laser est plus approprié. Il éloigne toutes les espèces susceptibles d’entraver la route des aéronefs qui, avancée technologique oblige, sont de surcroît de plus en plus silencieux et rapides.

Cartouches d'effarouchement

Un chamois sur la piste

Un autre volet du travail de l’unité PPA consiste également à contrôler directement si aucune entrave n’encombre la piste elle-même. Aussi, quatre fois par jour, un véhicule du PPA emboîte le pas à une voiture Follow me et se glisse entre deux atterrissages pour vérifier de ses propres yeux si rien ne boursoufle la piste : ce sont les Foreign Object Debris, les FOD.

Yvan, qui travaille dans le service depuis de nombreuses années, raconte une anecdote dont il se souviendra longtemps : « En 2012, on m’appelle pour me signaler un chevreuil en secteur 4. J’arrive sur les lieux le plus rapidement possible. Je sens l’odeur de gibier. C’est en fait un chamois. J’appelle la police et les garde-faune. L’animal est apeuré. On ne peut pas prendre le risque de le laisser filer sur la piste. On n’a pas non plus de filets pour le capturer. Cette fois-ci, les garde-faune ne tirent ni flèche hypodermique ni flèche létale. Ils prennent la décision d’abattre l’animal avec leur arme. » L’interruption de trafic a été évitée de justesse.

Contrairement aux animaux, lièvres, renards, oiseaux, entrés en collision avec un avion et dont la dépouille est gardée au congélateur pour les besoins éventuels de l’enquête, le chamois a ensuite pris la direction du CIDEC, centre d’incinération des déchets carnés.

Le savoir-faire des professionnels du PPA permet de préserver la vie de nombreux oiseaux et d’alléger la facture annuelle mondiale des collisions animalières : près de 2 milliards uniquement pour les pièces de rechange.

A Genève Aéroport, l’unité PPA est composée de 3 spécialistes. Ils sont assistés par 8 superviseurs du service Autorité Aviation pour la prévention du péril animalier et de 14 agents en appui pour des missions PPA.

Auteur

Marion Emonot