Un transporteur peut-il faire décoller ses avions à partir de tel aéroport à sa guise? Choisit-il librement ses horaires? Si c’était si simple, ce serait le chaos dans le ciel et sur les plateformes aéroportuaires. Les créneaux horaires ou «slots» permettent d’organiser le trafic dans les aéroports.
On vous explique tout sur cette denrée rare et précieuse que les compagnies aériennes convoitent tant.
Un slot, c’est quoi?
Un slot aérien est un créneau horaire qui donne le droit à une compagnie aérienne de faire décoller ou atterrir un avion dans un aéroport à un moment précis. Les slots permettent d’organiser le trafic dans une grande partie des aéroports.
On distingue trois catégories d’aéroports:
- Catégorie 1: La capacité de l’aéroport lui permet de répondre favorablement aux demandes de créneaux des compagnies. Aucune coordination de slot n’est nécessaire. On parle d’aéroport non coordonné.
- Catégorie 2: La congestion de l’aéroport fluctue selon la saison ou en raison d’événements. Des slots peuvent coordonner l’aéroport pour une période définie. On parle d’aéroport facilité aux horaires. Exemple: Aéroport de Chambéry
- Catégorie 3: Les demandes excèdent régulièrement la capacité de l’aéroport. Un coordinateur attribue les slots afin d’organiser au maximum le trafic sur la plateforme. On parle d’aéroport coordonné.
Genève Aéroport: un aéroport coordonné
Genève aéroport est un aéroport «coordonné» car durant de nombreuses heures de la journée et particulièrement les week-ends d’hiver et lors des grands départs, l’offre de slots est inférieure à la demande. La Slot Coordination Switzerland (SCS) assure le rôle de coordinateur.
Outre la forte demande de créneaux, l’aéroport de Genève présente des contraintes organisationnelles:
- il dispose d’une seule piste
- il restreint les décollages après 22 heures pour préserver les riverains. Seuls trois vols intercontinentaux, peuvent, au maximum, recevoir un créneau de départ au-delà de cet horaire.
- aucun vol programmé ne peut atterrir avant 6h00.
Les slots, une denrée convoitée
Le nombre de slots dans un aéroport dépend de plusieurs critères comme sa capacité d’accueil (avions, passagers), les contraintes environnementales, le nombre de pistes, les priorités opérationnelles (par exemple aviation de ligne avant l’aviation privée) …
La valeur théorique d’un slot varie en fonction de l’offre et la demande. Dans certains aéroports, trouver un slot disponible est facile. Certaines plateformes sont par contre saturées durant les heures de pointe et l’offre est bien inférieure à la demande. L’obtention d’un slot devient alors plus difficile, voire impossible.
L’heure du vol a aussi une influence sur sa valeur car:
- elle est plus ou moins attractive pour les passagers
- elle permet à l’avion de repartir plus ou moins vite sans rester longtemps au sol
- elle permet de mettre en place des correspondances plus ou moins facilement.
Qui décide?
Dans chaque pays, un coordinateur est chargé d’attribué les slots aux compagnies aériennes. En Suisse, la Slot Coordination Switzerland (SCS) assure cette mission sous la surveillance de l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC).
Un slot est attribué pour une saison aéronautique: la saison d’hiver ou celle d’été. Deux fois par an, au début de chaque saison pour la saison suivante, les compagnies et coordinateurs de la planète se retrouvent pour organiser ce marché des slots.
Voici les critères d’attribution:
- Pour conserver son slot
D’une année à l’autre, une compagnie a le droit de conserver ses slots. Il s’agit de «la règle du grand père» ou du slot historique. Selon la réglementation européenne, la compagnie doit avoir effectué 80% des vols dans ce créneau au cours d’une saison pour le conserver.
Durant l’épidémie de Covid-19, la Commission européenne a suspendu dès mars 2020 la règle dite du «80/20». Depuis le 28 mars 2021, les compagnies sont tenues d’utiliser 50 % de leurs créneaux de décollage et d’atterrissage pour pouvoir les conserver.
🇪🇺 European Commission president Ursula von der Leyen says the EU will temporarily drop rules which say airlines must operate 80% of scheduled services to keep landing slots at airports. pic.twitter.com/8sNKZwA73E
— air plus news (english) (@airplusnews_EN) March 10, 2020
En juin 2022, la Comission européenne a proposé un retour progressif aux règles standards d’utilisation des créneaux aéroportuaires pour la saison d’hiver 2022-2023, avec quelques adaptations. Les compagnies auront notamment la possibilité de faire sauter la règle du «80/20» dans des situations telles que:
- les urgences épidémiologiques
- les catastrophes naturelles
- les troubles politiques ayant une incidence sur le trafic aérien comme la guerre en Ukraine.
Cela va permettre aux compagnies de garder une agilité en temps de crise et leur évitera de maintenir des vols très peu remplis voire à vide, comme cela a pu se produire sur certains vols durant l’épidémie de Covid-19.
Le 15 décembre dernier, Bruxelles a annoncé réévaluer le seuil de conservation des slots pour la prochaine saison d’été (28 mars au 29 octobre): les compagnies devant utiliser 64 % de leurs créneaux de décollage et d’atterrissage pour pouvoir les conserver.
- Pour gagner un slot
Les slots disponibles dans un aéroport sont répartis pour moitié aux compagnies déjà présentes sur la plateforme et pour moitié aux nouvelles compagnies (celles disposant de moins de 5 % des créneaux sur l’aéroport). Objectif: donner une possibilité à des nouveaux entrants de démarrer des opérations et de se développer sur la plateforme.
Est-il possible de s’échanger les slots?
Les compagnies ont la possibilité de procéder à des échanges les slots selon leurs besoins liés à l’évolution de leur programme de vols (horaires, destinations, type d’avions,…). Au sein de l’Union européenne, les échanges contre rémunération sont interdits (bien qu’ils soient autorisés à l’étranger).
Dernière possibilité pour acquérir un slot: acheter une compagnie ou fusionner avec elle et ainsi récupérer ses créneaux.
En 2020, durant l’épidémie de Covid-19, certaines compagnies aériennes ont effectué des vols à vide ou très peu remplis de crainte de perdre leurs slots. Face à l’absurdité de la situation, notamment en termes écologiques, la Commission européenne a réagi dès mars 2020 en suspendant la règle dite du «80/20» . Celle-ci a été adaptée en 2021 afin que les compagnies puissent temporairement conserver leur slot sans obligation d’effectuer l’intégralité de leur programme de vols.
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Auteur
Anne-Elisabeth Celton
Rédactrice