L’hydrogène fait aujourd’hui partie des solutions envisagées pour aider le secteur aérien à se décarboner. Face au défi climatique, l’aviation, qui est responsable de 2 à 3% des émissions mondiales de C02, cherche à atteindre la neutralité carbone tout en réduisant sa dépendance aux énergies fossiles
On vous présente ici les 3 défis que doit encore relever l’hydrogène pour permettre à l’aviation d’être une industrie propre d’ici 2050.

Disposer de l’hydrogène vert

Les partisans de l’hydrogène mettent en avant ses qualités écologiques. Il est vrai que le moteur à hydrogène n'émet aucun CO2. C’est LE gros avantage de l’hydrogène par rapport à d’autres pistes. Prenons l’exemple des carburants aériens durables (SAF):  ils ne permettent de réduire l’empreinte carbone que de 80% par rapport au kérosène.

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«Les avions à hydrogène pourraient pratiquement éliminer les émissions de CO2 sur les vols courts et moyen-courriers», affirme l’ONG International Council on Clean Transportation (ICCT) dans une récente étude. 

Encore faut-il que l’hydrogène utilisé soit vert, c’est-à-dire qu’il soit produit à partir d'énergies renouvelables telles que l'énergie solaire, l'énergie éolienne ou l'hydroélectricité ou l’énergie nucléaire (hydrogène dit «rose»).  Seuls ces procédés permettent une production sans aucun CO2

Et là encore, l’hydrogène vert pose quelques défis :
•    Pour satisfaire la demande du transport aérien, il faudrait des quantités très importantes d’énergie renouvelable. Or, d’autres secteurs industriels misent aussi sur cette technologie pour se décarboner. 

•    L’hydrogène vert coûte bien plus cher: 10 fois plus pour l’hydrogène produit par électrolyse que l’hydrogène fabriqué à partir d’énergies fossiles comme c’est à 96% le cas aujourd’hui.  

•    L‘utilisation d’hydrogène (même propre) produira malgré tout des oxydes d’azote polluants (NOx) et de la vapeur d’eau, contribuant ainsi à la formation de traînées de condensation et de cirrus, néfastes pour le climat. À noter que des travaux, prometteurs, sont actuellement menés pour limiter ces émissions.

 

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Un nouvel avion à concevoir

L’hydrogène nécessite d’imaginer un nouvel appareil. En cela, il présente le désavantage d’imposer aux constructeurs des investissements importants, contrairement aux SAF qui sont compatibles avec les aéronefs actuels. 

 «L’hydrogène va nécessiter de modifier l’architecture des avions et cela va entraîner des coûts élevés. Mais c’est une aussi une formidable opportunité: nous sommes arrivés quasi à l’apogée des avions actuels en termes de performance. Si l’on veut faire un saut technologique, il faut changer de paradigme», explique Jean-Michel Schulz, professeur en technologies aéronautiques et aérospatiales auprès de la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO). 

Pourquoi un nouvel appareil?

•    Des réservoirs plus grands
L’hydrogène est un fluide particulièrement volumineux. L’avion à hydrogène nécessite un réservoir 3 à 6 fois plus gros que ceux fonctionnant avec du kérosène, suivant que l’on considère un de l’hydrogène liquide ou gazeux sous pression. 

•    Des réservoirs cryogéniques 
L’hydrogène utilisé dans l’avion sera très probablement transporté sous forme liquide et réfrigérée à -253°C. C’est en tout cas l’option choisie aujourd’hui par la plupart des avionneurs. Il faut des réservoirs cryogéniques pour atteindre ces températures et suffisamment isolés du reste de l’appareil. 

A quoi ressemblera cet avion du futur? Prenons l’exemple d’Airbus, qui travaille sur plusieurs pistes pour aboutir à une mise en service d’un avion à hydrogène à l’horizon 2035. En janvier 2023, il a présenté une solution prometteuse: une pile à combustible qui convertit l'hydrogène en électricité entraînant l'hélice du propulseur. Ce moteur serait assez puissant pour un avion de cent places capable de parcourir environ 1 800 kilomètres. Il sera testé à partir de 2025 sur un A380.

Voilà à quoi il ressemble :

Mise en place d’un nouvel écosystème 

En dehors de la production d’hydrogène vert et de la conception d’un nouveau type d’aéronef, c’est tout un écosystème qui doit être bâti. Comment l’hydrogène sera-t-il transporté jusqu’aux plateformes aéroportuaires? Où sera-t-il stocké? Des cuves hyper-étanches, éloignées de la piste et du tarmac, devront être mises en place pour supporter ce fluide volatile et liquéfié à -253 degrés.

Les aéroports vont devoir adapter leurs infrastructures pour pouvoir alimenter les compagnies aériennes. C’est bien toute une chaîne de logistique qui devra voir le jour dans les prochaines années.

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En conclusion, on peut affirmer que les vols à l'hydrogène représentent aujourd’hui un espoir concret d'aboutir, à terme, à un trafic aérien propre. Malgré toutes les contraintes énoncées, cette option est assez prometteuse aux yeux des constructeurs pour qu’ils y consacrent du temps et de l’argent.

C’est le cas d’Airbus qui envisage aujourd’hui cette technologie pour les vols régionaux en premier lieu. «Pour les long-courriers, on ne voit encore pas comment utiliser de l’hydrogène», a reconnu Guillaume Faury, président exécutif d'Airbus, lors du Paris Air Forum 2022. 

Boeing a travaillé sur quelques projets liés à l’hydrogène mais est plutôt réservé en la matière. «Nous ne pensons pas que l’hydrogène constituera un véritable levier de décarbonation avant 2050», a récemment confié à la presse Chris Raymond, le directeur du développement durable chez Boeing. Le groupe mise aujourd’hui sur les SAF pour réduire l’empreinte carbone des avions.

Pour Jean-Michel Schulz, «2050 est un horizon réaliste à condition que tout le secteur aéronautique se mette en ordre de marche et qu’il y ait un véritable altruisme de tous les acteurs. D’ici là, les carburants aériens durables seront une bonne solution intermédiaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des avions».   

 

Auteur

Anne-Elisabeth Celton

Rédactrice